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Le tunnel Publié le : 11 décembre 2010

J’ai toujours été mal à l’aise lorsque je dois traverser un espace fermé et obscur. Quand j’étais enfant, nous avions un couloir long et sombre où j’ai ressenti de grandes frayeurs. En voiture, il m’est arrivé de faire un détour de plusieurs kilomètres plutôt que de traverser un long tunnel comme celui de La Défense. La semaine dernière, à la suite d’importantes chutes de neige dans la région parisienne, j’ai passé onze heures dans ma voiture pour faire vingt-cinq kilomètres. Onze heures, dont quatre sans bouger. Dans un tunnel. Je pourrais donc vous faire le récit d’une épreuve horrible. Car, en plus, j’ai eu tout le temps de le voir venir, le tunnel ! Pendant des heures, j’ai vu son entrée se rapprocher inexorablement, sans avoir la possibilité de me défiler, emprisonnée par les voitures qui entouraient la mienne de toute part, devant, derrière, sur les côtés. Et, une fois dans sa bouche sombre, la circulation s’est immobilisée. Quatre heures avant de ressortir. De quoi savourer l’angoisse jusqu’à la panique.

Mais ce n’est pas cette histoire-là que je vais vous raconter. Dans la même situation, quelques années plus tôt, cela aurait été terrible, et j’ai bien senti « l’angoisse du couloir »  qui tentait  de s’emparer à  nouveau de moi, de me « recruter ». Alors, je me suis rapidement mise en « mode survie ». J’ai commencé par repérer les ouvertures possibles pour échapper à cette situation.  J’ai localisé les issues de secours. J’ai évoqué l’éventualité de laisser la voiture sur place et de partir à pied. J’ai établi, grâce à mon téléphone portable, un lien avec l’extérieur en appelant tous ceux qu’il m’est possible d’appeler à minuit sans qu’ils me raccrochent au nez… Autrement dit, j’ai fait foisonner des histoires alternatives à celle de la peur du tunnel. Et je me dis maintenant que ce tunnel est une formidable image pour parler d’une histoire dominante qui nous enferme. Créer des histoires alternatives, c’est percer des issues de secours dans le tunnel. 

Du coup, j’ai pu vivre et je peux vous raconter une autre version de cette traversée du tunnel. Ce que je garde de cette expérience et qui m’a beaucoup touchée, c’est la formidable solidarité qui s’est mise en place pendant cette épreuve. Dès qu’une voiture patinait ou s’enlisait, plusieurs personnes se mobilisaient pour l’aider. Ceux qui avaient de la nourriture ou de l’eau partageaient avec les autres. Des routiers ont pris en charge une mère et ses enfants en panne d’essence. Des groupes de femmes se relayaient pour cacher celles qui avaient une envie pressante à satisfaire. Des journaux et des magazines circulaient de voiture en voiture. Les gens sortaient de leur véhicule et se parlaient, se remontaient le moral spontanément. Les regards qui s’échangeaient parlaient de compassion et de soutien. Le tout en pleine nuit, sous la neige, par -2° de température, sur une autoroute totalement paralysée. Ce qui était parti pour être un cauchemar s’est transformé en aventure humaine.

Les jeunes, les moins jeunes, les familles, les routiers, des personnes qui ne se seraient certainement jamais rencontrées par ailleurs se retrouvaient sur la même route plongées dans la même histoire.

Quant à moi, comme l’angoisse tentait à nouveau de m’envahir, une jeune femme d’une vingtaine d’année est venue taper à ma vitre. Elle m’a dit qu’elle était paniquée, qu’elle avait du mal a respirer. Elle ne le savait pas, mais c’était  un peu l’état contre lequel je luttais moi-même. Je l’ai rassurée comme j’ai pu, en partageant avec elle les idées que j’avais élaboré pour aller  mieux. Elle ne saura certainement jamais le bien qu’elle m’a fait en venant me parler de son malaise. Car, en la rassurant, je me suis rassurée moi-même. 

N’est-ce pas finalement ce que nous faisons tous les jours en coaching : aider une personne qui sans le savoir nous aide aussi… 

Dina Scherrer

Publié le : 11 décembre 2010 | 5 commentaires | Partager/Mettre en favoris


5 Commentaires sur l'article “Le tunnel”

  1. 1 Andrée Zerah a dit à 14 h 16 min le décembre 29th, 2010:

    Chère Dina
    Ton récit m’a émue au plus haut point. Je t’ai suivie dans ton aventure minute par minute, et j’ai admiré la façon dont tu l’as vécue et racontée. Tu nous as donné un magnifique exemple de Pratique Narrative, en externalisant ta peur : « angoisse du couloir » et en faisant le re-telling de la situation.
    Mais ce qui m’a le plus touchée, c’est ce que tu as vu pendant ces moments : tu ne t’es pas focalisée sur l’angoisse des autres, mais sur la solidarité des gens qui se sont épaulés et secourus réciproquement et surtout toi-même tu as utilisé ton angoisse pour réconforter cette jeune femme, et par là-même tu t’es encouragée aussi. Quelle belle expérience ! Bravo et merci de nous l’avoir faite partager et merci pour cette grande leçon de courage que tu nous donnes.
    Chaleureusement
    Andrée

  2. 2 Dina Scherrer a dit à 16 h 23 min le décembre 30th, 2010:

    Merci beaucoup Andrée pour ton témoignage que je viens de lire. Je retiens les mots courage et solidarité.
    Ce sont des valeurs importantes pour moi dans la vie même si je n’ai pas toujours conscience de faire preuve de courage. Ces mots me rappelle la lumière au fond du tunnel.
    A très bientôt.
    Dina

  3. 3 Christine Chantrel-Ortelio a dit à 23 h 30 min le février 2nd, 2011:

    Très chère Dina,

    je découvre ce récit avec beaucoup d’émotions car il est très imagé et me renvoie à toutes ces personnes qui, ce même soir, se trouvaient dans cette situation anxiogène nécessitant ( surtout aux yeux de ceux qui se trouvaient bien au chaud dans leur canapé et dont je faisais partie)beaucoup beaucoup de courage…

    Je suis actuellement en train de lire le dernier ouvrage de Christophe André qui a recueilli le témoignage d’une vingtaine de psys racontant les maux qu’ils avaient, tout comme leurs patients, rencontrés, parfois soignés et parfois non, tels la dépression, les crises d’angoisse, les phobies, le manque de confiance en soi, etc.
    Tu fais ici tout comme eux, tu nous montres que nous avons beau être accompagnants, nous avons aussi nos fragilités et ne sommes pas infaillibles…et tout comme eux aussi, le travail fait sur soi et fait auprès de nos clients nous donne souvent des clés pour aller mieux

    Bravo pour ce récit, pour ton courage et pour le réconfort que tu as su apporter à cette jeune femme.

    Bises
    Christine

  4. 4 Boscuez a dit à 11 h 45 min le février 25th, 2011:

    Bonjour,
    Ce texte que je découvre me plaît, par sa vérité, sa clarté,sa manière d’apprivoiser une sensation qui monte de l’intérieur. Cette ouverture au sens que pourrait avoir cet affect logé en soi.
    Par la méditation, le « porter son attention », je me sens sur le même chemin.
    J’explore dès a présent cette pratique narrative et ses membres.
    Cordialement
    Ale

  5. 5 Dina Scherrer a dit à 19 h 46 min le février 25th, 2011:

    Merci pour votre résonnance à mon tunnel. J’aime bien quand vous parlez de « ma manière d’apprivoiser une sensation qui monte de l’intérieur » c’est une belle image et elle me rappelle que j’ai de l’inflence sur « le couloir ».
    Bien à vous. Dina


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